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site littéraire d'auto-édition de Jean-Luc FLINES, auteur indépendant de romans, nouvelles et poésie. Grand admirateur des écrivains américains Paul Auster et Stephen King, Jean-Luc Flines est persuadé que L'imagination, en écriture, c'est l'art de donner vie à ce qui n'existe pas, de persuader les autres d'accepter un monde qui n'est pas vraiment là!

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LE PETIT CHIEN ZEN DE LA BAIE D'HA LONG

LE PETIT CHIEN ZEN DE LA BAIE D'HA LONG

1-Yasu Atamari et l’esprit

“Une aquarelle n’est pas une histoire,

C’est la traduction d’une sensation, d’un souvenir,

D’un état d’âme.”

De Hugo Pratt / Hugo Pratt en verve

Yasu Atamari ne pratiquait pas l’aquarelle comme on l’entendait en Europe, sans tenir compte des salons ou Des biennales. Atamari avait grandi à Tokyo et étudié à la « Maejima Academy of Art” et embrassé aussi la calligraphie à la Pacific Ocean Academy of Art. Il avait d’abord peint à l’huile, puis s’était orienté vers les techniques mixtes telles que la gouache, le crayon aquarelle, le pastel, l’encre de Chine et même la chicorée liquide !

Ses thèmes favoris, il les puisait dans les choses simples : des poissons, des fruits, des maisons, des sous-bois. Cependant, en plus des paysages et des scènes quotidiennes, il travaillait les lignes et les couleurs !

Yasu avait entrepris pas mal de voyages durant sa jeunesse et engrangé de nombreux croquis des lieux qu’il avait traversés bien trop vite : la Baie d’Ha Long, les quartiers historiques de Paris, les plateaux du Tibet…Il avait conservé tout cela dans de multiples cahiers d’esquisses, mais surtout dans sa mémoire !

Un jour d’inspiration exceptionnelle, il se sentit appelé dans son âme par les voix de ses ancêtres et, séduit par l’un deux, Hedo Katse ! Cet aïeul, sorte de moine, avait rédigé un petit livre de philosophie bouddhiste. L’ouvrage s’intitulait : « Trois refuges pour un bonheur de peintre ».

Katse était en fait un « upsaka », un bouddhiste laïc qui pratiquait sa philosophie dans son vieil atelier d’aquarelliste. L’opuscule relatait les rites nécessaires pour devenir un peintre bouddhiste et un artiste libéré des souffrances d’une réincarnation douloureuse, adoptant Bouddha comme boussole.

Vénérable patriarche du monastère proche de son petit village, à la périphérie de l’Edo, la cité des empereurs, il était venu lui expliquer les contenus de ce qu’on appelle, dans le Bouddhisme, les « Trois joyaux » à savoir que tous les êtres sensibles peuvent comprendre très profondément la grande voie, que leur intelligence est aussi étendue que l’Océan et peu s’entendre merveilleusement sans obstacle.

Curieusement, Yasu Atamari était convaincu que son ancêtre s’était réincarné dans son propre chien, un West Highland Terrier blanc, tout craquant de tendresse et d’espièglerie.

Yasu croyait dur comme fer qu’une entité autonome possédait la faculté d’animer des existences successives. Son chien Wado était donc, selon lui, la nouvelle enveloppe charnelle de son arrière-grand-père Hiro Toshi Atamori, peintre également et auteur des plus belles allégories impressionnistes sur le Mont Fuji.

Cette vie antérieure était donc à l’origine du don que possédait Wado. Il pouvait choisir, pour son maître Yasu, des lieux propices à figurer dans ses tableaux d’aquarelle. Mais cette réincarnation était également à l’origine de la profonde admiration que ressentait Yasu pour les paysages de la mer de Chine et en particulier la baie d’Ha Long au Vietnam. Il s’était aussi souvent demandé pourquoi, dans ses rêves, intervenait sans cesse un moine bouddhiste qui passait fréquemment de l’enfance à l’âge d’un adulte vieillissant et inversement. Yasu éprouvait une animosité récurrente face à la légèreté profonde d’un tel être de grâce. C’est vrai que la personnalité de son aïeul était franchement bien marquée dans le caractère et les capacités artistiques de son fidèle compagnon à quatre pattes.

LE PETIT CHIEN ZEN DE LA BAIE D'HA LONG

2-Le chemin de la sagesse par la méditation artistique

“L'art est à l'image de la création.

C'est un symbole, tout comme le monde terrestre

Est un symbole du cosmos.”

De Paul Klee / Théorie de l’art moderne

L’artiste Atamari éprouvait un vif désir à coucher sur papier torchon les êtres, les lieux et les sentiments qu’il chérissait de par son aptitude à percevoir des vies antérieures et l’aura émanant d’un paysage particulier sous l’influence de son cher Wado. Curieusement, le jeune peintre mixait des sujets, des éléments de symboles traditionnels asiatiques avec des références de la civilisation occidentale. Son exigence à représenter des scènes empreintes de détails incompatibles dans le contexte de la peinture japonaise était liée à l’attitude zen.

Et pourtant, Yasu voulait pratiquer l’art de construire le vide dans l’intention de faire exister l’espace. C’est d’ailleurs en grande partie sur le rapport établi entre la forme et l’espace, leur relation mutuelle, une sorte de paradoxe du vide, qu’il ne pouvait concevoir que par la forme. C’est ainsi que se fondaient sous lui, tout naturellement, ces deux pratiques majeures du Zen.

La création de Yasu servait à masquer le réel plus qu’elle ne le changeait ! Il estimait qu’il était très important de savoir d’où il venait, de définir son territoire artistique si, en partie, les origines de son art se trouvaient évidemment dans la philosophie des estampes japonaises. Voilà où résiderait son originalité !

Il se mit à peindre un oiseau qui semblait se poser avec facilité sur les rochers de la baie d’Ha Long. Le cormoran volait le long de la falaise, attirant le regard des hommes et faisant naître en eux le désir de les imiter. Yasu disait que les humains avaient toujours levé les yeux vers le ciel et touché du doigt le plus vieux rêve de l’humanité : voler avec les oiseaux ! Depuis la nuit des temps, ce désir onirique de s’affranchir de la pesanteur hantait les esprits. « C’est dans l’élément Eau que l’on nage, c’est dans l’élément Air que l’on vole » lui avait appris le vieux moine du temple voisin.

Atamari, peintre, savait à présent que l’Air était symboliquement rattaché au mental, à la capacité d’abstraction, qu’il évoquait les aspirations, le désir de l’homme d’évaluer en toute liberté donnée ou acquise. Le chien blanc et zen trouvait intéressant d’approfondir ce concept.

Du fond du tableau apparaissait dans le ciel, comme un point presque fixe de la persistance rétinienne, un ultraléger motorisé, plus connu chez les humains sous le vocable ULM. L’arrivée de cet objet étrange n’entravait en rien sa réflexion et ne perturbait pas non plus le vol des oiseaux, peu familiers à ce genre d’émergence céleste. Le bruit discret de l’appareil donnait encore plus de légèreté à l’air marin et allait jusqu’à le matérialiser comme composant gazeux porteur de l’engin. Les ailes, même motorisées, étaient indissociables de l’élément air.

Elles représentaient la légèreté, le souffle de l’intelligence de l’esprit. C’est sans doute pour cette raison que les anges portent des ailes. Et peut-être ce chien en quête de sagesse deviendrait-il lui-même un ange ?

En quatre ou cinq éléments qu’il s’était imposés, Yasu élaborait son tableau. A partir de cette peinture, il pourrait très bien rédiger un récit en prenant le chien et le moine comme personnages principaux d’un conte fantastique. Le plus amusant, lui semblait-il, eût été d’émettre des hypothèses sur la raison de cette rencontre incongrue.

En fait, Yasu Atamari n’avait construit aucune théorie sur son art, une technique, très certainement, mais qui ne lui fermait pas l’accès au merveilleux grâce à une méditation transposée et l’introduction de l’esprit par la forme.

Cette démarche a exercé une influence considérable sur le développement de son esthétique. Pour lui, écrire et peindre étaient d’abord un état d’esprit bien avant de créer et d’imaginer une structure propice à la réception de l’œuvre par le spectateur. Sa propre humeur guidait l’esprit qui circulerait par la suite dans sa création.

Le chien avait rencontré, dans la personne du moine tibétain, un être qui dépassait la simple connaissance intellectuelle des savoirs mais dont la vie bouleverserait tout en illustrant ces savoirs.

Cet animal venu d’une île froide et lointaine vivait une expérience unique. Le jeune moine lui montrait exactement ce qu’il pourrait devenir. Il lui avait indiqué le chemin de la sagesse que les hommes étaient incapables d’entretenir longtemps et c’était à lui de le parcourir.

Le fauteuil de style apparemment « Louis XV » que l’artiste avait incrusté dans son tableau était le symbole de la futilité, de la vie mondaine. Le style Louis XV, avait-il lu dans des livres d’histoire de l’art, c’était initialement un style caractéristique de sièges qui avait ensuite influencé tous les arts de son époque. Ce style fut une pure création des ébénistes et plus particulièrement le résultat d’un progrès technique majeur dans la fabrication des sièges.

Et c’était déjà une étape qui allait déjà pouvoir porter les êtres dans la traversée de cet océan d’existence.

Le mobilier Louis XV était charmant, élégant, léger et invitait plus à la détente et aux futilités de la cour qu’à la solennité rendant ainsi heureux son chien de s’y trouver à côté d’un exemplaire aux coussins, dossiers et accoudoir d’un exemplaire aux coussins, dossiers et accoudoir d’un jaune or des plus riches, juste en face de la Mer de Chine.

LE PETIT CHIEN ZEN DE LA BAIE D'HA LONG

3-Le pouvoir magique de l’art

“Un peintre apprenti demandait à son maître

"Quand dois-je considérer que mon tableau est fini ?

" Et le maître répondit : "Quand tu pourras le regarder

Avec surprise, en te disant : C'est moi qui fait « ça ».”

De Jean-Paul Sartre

Cette mer qui fut celle d’un empire qui avait connu, autrefois, neuf moines tenus dans le monde pour de bons poètes. Bien assis sur ce fauteuil d’époque, le jeune chien pourrait bientôt lire et saisir aisément les « Poèmes des neuf bonzes ».

Tout comme le docteur Xu Dong, excellent écrivain et savant distingué, il avait pu réunir sur cette plage les moines poètes, entre lesquels il avait partagé des sujets de composition. La règle du jeu lui avait été communiquée par son maître-moine : « Défense d’utiliser ne serait-ce qu’un seul mot de la famille suivante : montagne, eau, vent nuage, bambou, pierre, fleur, herbe, neige, givre, étoile, lune, bête, oiseau, mais de faire appel à un aquarelliste qui ne devrait pas abandonner ses pinceaux devant la difficulté de la chose. » Depuis l’âge de treize ans, Yasu Atamari avait la manie de dessiner les formes et les objets.

Plus tard, il exposa une infinité de dessins et d’aquarelles, mais il était mécontent de tout ce qu’il avait produit avant cette rencontre spirituelle avec l’univers de ce passager des territoires qui bordent la mer de Chine du Sud. Il pensait avoir compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes. Par conséquent, après cette expérience. Il avait fait beaucoup de progrès, il était arrivé au fond des choses et bien plus tard encore, il parviendrait à un état supérieur indéfinissable et, sans doute, au dernier jour de sa vie, chaque point, chaque ligne, tout serait vivant.

Pour en revenir au tableau qu’il était en train de peindre le maître n’attendaient rien en retour de ce chien, ni branche rapportée, ni baballe saisie entre les crocs, et surtout pas le lièvre débusqué dans son terrier. Il ne s’agissait pas d’un lien de domination.

L’accueil du chien « disciple » par le « maître » était un geste spontané, simple et pacifique. Le maître partageait avec lui sa capacité à éradiquer sa condition d’animal de compagnie passive ou de rabatteur conditionné avec des émotions négatives non perçues par l’homo erectus ! Une souffrance stupide engendrée par la résignation n’avait pas sa place dans une telle philosophie.

Le chien était occupé à renaître donc, dans une profonde restructuration intérieure. La compassion que ce moine éprouvait à l’égard de ce terrier écossais était déjà perceptible dans son attitude d’écoute. Une attitude simple mais bien réelle. Le Westie avait rencontré un être remarquable qui allait lui fournir des points de repère qui lui seraient précieux pour le reste de son existence. Il reviendrait souvent, ce chien merveilleux qui s’était uni à la nature de son maître et avait fondu son esprit avec celui de son initiateur spirituel.

Non content de peindre avec talent et courage cet univers onirique, Yasu écrivait, écrivait, écrivait encore et toujours des récits fantastiques. Son discours transposé en mots animait la peinture exprimée ou imaginée et celle-ci, en retour, donnait une couleur merveilleuse au récit. Cette interaction entre peinture et écriture parcourait ainsi, en toute liberté, l’espace entre le réel et l’irréel.

Le récit et la peinture fantastique, comme Atamari les avait conçus, offraient un univers imaginaire parfait pour rassembler, comme lorsque le rideau du théâtre s’ouvre, où l’on voit apparaître les êtres, les décors et les événements étranges, invraisemblables, surnaturels. « L’animation » de ces êtres et son pouvoir magique de l’art lui permettait aussi de concrétiser un idéal esthétique.

Ce genre de création artistique engendrait une situation complexe entre réel et irréel. Puisque toute œuvre est artificielle, elle n’est jamais aussi réelle que des êtres ou des objets concrets. « Pourtant, prétendait encore le jeune créateur, dans la mesure où l’art est une imitation, en apparence ou en esprit, de la réalité, il comporte un aspect de vérité. »

Développer un jeu harmonieux entre le concret et l’imaginaire ! Voilà ce qu’il recherchait. En fait, la peinture se présentait à lui comme le médium permettant d’interpeller au cœur du récit des motifs surnaturels. Atamari était conscient que le regard du personnage « spectateur » était parfois si intense qu’il animait les objets de la peinture, rien qu’en les regardant, en leur imaginant un passé, une raison d’être là, au moment où la scène représentée était peut-être aussi une action concrète qui ferait évoluer le tableau immobile au moment du regard. Alors, tout un chacun pourrait écrire en sortant d’une exposition sur ce qu’il aurait admiré et imaginé au travers de cette petite fenêtre que constitue un tableau. Yasu Atamari détenait, par sa peinture, un pouvoir magique indéniable. Ce pouvoir mystérieux provenait de l’idée que son art pictural était, lui aussi, une réalité. L’art suprême vers lequel il tendait était associé au divin ou au merveilleux. Et c’était vrai, un simple pinceau manipulé avec souplesse, pouvait aussi métamorphoser le texte en récit fantastique. Au centre de cette transfiguration, le processus de création, mais aussi l’effet qu’il produisait par l’intermédiaire des motifs du regard, sourdait la magie et l’animation des êtres.

Les sujets des tableaux d’Atamari pouvaient s’animer comme des êtres vivants. Il avait poussé très loin l’étrangeté de son art en faisant surgir des colonnes en noir et blanc de Daniel Buren sur la partie Sud de la Mer de Chine. Et si c’était encore une fantaisie du petit chien blanc ?

LE PETIT CHIEN ZEN DE LA BAIE D'HA LONG

4-Les colonnes de Buren

« Je n'expose pas des bandes rayées,

Mais des bandes rayées dans un certain contexte »

Daniel Buren

Yasu se souvenait qu’en 2007, le sculpteur des colonnes avait manifesté son indignation face au délabrement de son œuvre au cœur de Paris et envisagé de demander sa destruction. Le petit chien, dans son pouvoir anthropomorphique, avait alors proposé à Daniel Buren de venir les installer dans le Golfe du Tonkin, sur la plage de la baie d’Ha Long.

Au moment où Atamari se lançait dans la réalisation de son tableau et avait déjà coloré d’un jaune ocre le sable de la plage, les premières colonnes zébrées sortirent du sol comme par enchantement. C’était là l’aspect zen du projet. A présent, elles semblaient éternelles, ces colonnes noires et blanches de différentes tailles.

Dans une lettre adressée à Yasu et que le Westie lui remit en main propre, Buren spécifiait qu’il n’était pas gêné que la mer recouvrît à certain moment ses colonnes et se les appropriât.

« Lorsqu’on fait un travail de cet ordre, écrivait-il, il faut accepter le fait que la nature puisse les transformer. »

Il arrive, aujourd’hui, que les gens fréquentant la baie d’Ha Long découvrent ces enfilades sans réagir par une vague de violence verbale, de colère et de haine que cette œuvre avait déclenchée à Paris dès sa création. L’architecture sculpturale de Buren est devenue emblématique de la baie.

On peut décrire le phénomène imaginé par Yasu : les colonnes ont pris racine en sous-sol, sous le sable et émergé à l’air libre comme jaillies du sol minéral dans lequel elles y avaient été intégrées depuis la nuit des temps.

La baie d’Ha Long s’ouvre sur le Golfe du Tonkin avec les villes d’Ha Long et de Cam Pha. Des grottes et des cavernes dorment tranquillement sur ces îles enchanteresses. Des collines descendent en pente douce vers la mer sur plusieurs kilomètres. La plage de sable fin s’étend nonchalamment tout au long de la côte. Ce paysage exceptionnel serait l’œuvre d’un dragon. Ha Long signifiant « descente du dragon » est considéré au Vietnam comme un être merveilleux et bénéfique. Il a d’ailleurs domestiqué les courants marins et, en exécutant son travail titanesque, il aurait coupé la montagne avec sa queue. Le niveau de l’eau serait monté et les seuls sommets culminants auraient gardé leurs cimes en immersion. Aujourd’hui, ces colonnes contemporaines émergées prennent de plus en plus l’aspect de ruines, mais des ruines fort peu romantiques, des vestiges organisés selon une formule mathématique qui ne laisserait rien au hasard. Dans l’œuvre de Buren, les bandes blanches et noires mesurent toujours 8,7 cm de large. Yasu y voyait des arbres coupés dans leur élan vital vers la lumière. Mais des arbres morts ou vivants ? Tantôt, il percevait une atmosphère d’épanouissement, tantôt il ne constatait que les signes d’un contrôle venant de la mer qui lui échappaient, même parfois, il les regardait comme des formes rigoureusement pensées dans un cadre précis mais absolument inapproprié, cela dépendait de son humeur.

De Paris à Bay Chay, pas de transport, pas de perte d’énergie, ni d’argent, pas de pollution atmosphérique due à l’installation. Rien que la voie de la pensée partagée entre le principe et la conduite. Le moine bouddhiste lui avait confié qu’il croyait profondément que même les animaux possédaient cette nature essentielle mais qu’elle donnait l’illusion d’être voilée par des préjugés et ne pouvait ainsi se manifester entièrement.

« Mais ne t’y trompe pas, Yasu, lui murmura-t-il à l’oreille, tu dois observer d’une manière impassible en mettant sur le même pied l’ordinaire et le sacré, la pensée simple et l’art conceptuel ! Nulle autre conviction ne doit venir entraver cette profonde harmonie ! »

Le chien était serein, Daniel Buren avait dû l’être aussi car son installation contestée dans une urbanité non dépourvue de contradictions était parfaitement minéralisée, intégrée comme éléments de la Porte de la Source. Ses colonnes avaient été invitées par l’esprit et non conditionnées par des facteurs culturels historiques, des traditions, des façons de la pensée.

« Rien n’est absolu, ajouta le moine, et pourtant l’homme s’obstine à se créer des barrières de communication qui deviennent infranchissables ! »

LE PETIT CHIEN ZEN DE LA BAIE D'HA LONG

5-La sagesse supérieure

“Nous ne choisissons point. Notre destin choisit.

Et la sagesse est de nous montrer dignes de son choix, quel qu’il soit.”

De Romain Rolland / Le Voyage intérieur

Le chien s’était éveillé à sa condition de « chien » impliquée par le regard absolu et intolérant qu’on avait toujours porté sur lui ! Il était engagé de plain-pied sur cette voie en compensant sa condition d’animal domestique sans l’opposer à celle du moine sage, calme et souriant, tout en s’adaptant aux conditions et à l’aspect de la baie d’Ha Long. Il ne cherchait rien et avait interagi avec la vérité révélée par son maître. Cet être vivant à quatre pattes acceptait son sort sans se révolter ni se plaindre. Son maître lui avait dit, bien avant la percée des colonnes de Buren : « Grâce à la connaissance parfaite, tu n’éprouveras pas d’anxiété devant les souffrances ». Le chien développa cette attitude. Il avait appris que son « moi absolu » n’existait pas et qu’il serait toujours influencé par les situations et les actions. La transformation de Bay Chay était l’occasion pour lui d’appliquer une autre pratique, celle où il ne devait rien rechercher, simplement admirer !

Le vase Médicis qui trônait près des colonnes bicolores n’avait plus rien à voir avec l’installation nouvelle, seulement une réplique du Jardin du Palais Royal qui jouxtait l’esplanade où se dressaient les créations de Daniel Buren.

Le vieux sage s’était longtemps entretenu, lui aussi, avec Daniel Buren. Ensemble, ils avaient examiné les limites physiques de la peinture, mais également le reversement des valeurs du monde de l’art où il deviendrait inutile de se fatiguer à tenter de saisir les rêves, les illusions et les apparences néfastes et vaines. Le plasticien avait décliné une infinité de possibilités à partir de ces bandes noires et blanches, puisque chaque travail s’exprimait in situ, suivant le lieu de sa programmation et de sa réalisation.

La précision, la rigueur et la radicalité avaient été poussées à l’extrême. Ce qui plaisait au moine initiateur dans chacune des deux cent soixante colonnes élevées par l’artiste Buren, c’était sa composition de marbre noir et de granite blanc. Il pouvait en parler pour avoir observé chaque centimètre de cet agrégat polychrome.

Une partie du décor traditionnel était passé dans le transport mental des colonnades. Il fallait cependant l’ignorer, car elle disparaîtrait d’elle-même, effacée par la futilité des mondanités errantes qui s’attachaient avidement et cupidement à des repères désuets. Le prêtre bouddhiste, tout vêtu de rouge, savait que le principe d’une réalité absolue était paradoxal vis-à-vis d’une certaine mondanité !

L’oiseau pêcheur traversant la baie représentait, lui, la pureté de la nature. La pureté n’est pas obligatoirement symbolisée par le blanc, élément trop extérieur, mais par la grâce du volatile, sa vérité. Lorsqu’elle est blanche, la pureté est vide !

L’oiseau faisait de l’ombre sur la plage. C’était l’écho de son corps devenu identique à l’espace. En vol, il n’était pas vaniteux. Il n’avait pas conscience qu’il était élégant. En tout cas, il ne faisait rien pour ! Sa légèreté et la fluidité de son être étaient innées et le resteraient. Son vol n’était pas futile, justifié par le besoin de se déplacer pour chercher une proie, pour échapper à un autre prédateur, moins pur que lui. Il ne lui serait pas cependant venu à l’idée de jouer l’intéressant autour du chien afin d’en faire son ami, sachant qu’il avait conquis la sagesse.

Le rapace ne tourna pas comme un fou autour du terrier car il avait dirigé la lumière de sa propre conscience vers sa nature : le silence sans limites ni frontières. Pour l’oiseau, le chien était un nuage blanc qui s’était posé sur la plage. Il se contenta de voler pour scruter les airs. Si le vieux moine qui contemplait le chien avec douceur n’avait pas parlé, alors pas d’illumination, pas de paix, pas de libération d’une œuvre d’art. Il savait que la population locale, les oiseaux, tous les animaux n’auraient pas supporté un fardeau de trois mille mètres carrés !

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LE PETIT CHIEN ZEN DE LA BAIE D'HA LONG
Aquarelles et encre de Chine © 2016 JEAN-LUC SCHIETECATTE  ®2016 PHILIGHTBLUE
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E
J'aime beaucoup beau partage bonne journée
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