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site littéraire d'auto-édition de Jean-Luc FLINES, auteur indépendant de romans, nouvelles et poésie. Grand admirateur des écrivains américains Paul Auster et Stephen King, Jean-Luc Flines est persuadé que L'imagination, en écriture, c'est l'art de donner vie à ce qui n'existe pas, de persuader les autres d'accepter un monde qui n'est pas vraiment là!

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ARTUS GRAINBÔ, le p'tit pwète crotte-misère (épisode 3)

présente

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ARTUS GRAINBÔ, le p'tit pwète crotte-misère (épisode 3)

ARTUS GRAINBÔ , Le p’tit pwèt crotte- misère

ARTUS GRAINBÔ, le p'tit pwète crotte-misère (épisode 3)

« Zizette, pince moi, s’te plaît, ma môme ! Cadavériques sur leur radeau et dans la fraîcheur de ce pt’it matin, Léa, ma gosse ! Sur le grand fleuve qui ondule sous les ponts ! Leurs corps nus, couchés, à genoux, étendus- Misère ma Zizouille ! Regarde- moi tous ces naufragés et leur lourd destin !

- N’te moque pas, Artus, c’est du terrible c’te chose-là ! C’est de l’art, mon grand ! À genoux, mon grand ! À genoux j’te dis !

-Mais c’est quoi ce cirque !?

- Ça, mon p’tit gars, c’est la faute à Théodore !

-Théodore !?

-Ben, oui, quoi Théodore Géricault !

- Géricault, le peintre du Louvre !

- Evident, c’est mahousse ! T’as pas reconnu le tableau !

- Ben, on dirait le « Radeau de la Méduse » !

- Affirmatif !

- Incroyable ! Ils l’ont fait ! Tu parles de vacances ! Ils vont débarquer, les pauvres vieux ! Regardent comme ils se tordent, ils délirent. Quand sur les poutres démontées, crient les rescapés de la Méduse ! Que cet équipage souffle et se rend ! Ils ont leur âme si sombre, sous leur désespoir ! Ils se ressentent si moribonds ! Le pauvre capitaine de cette épave n’en mène pas large ! Qu’ils sont tous là, il n’en manque pas un, regarde Léa ! Il n’en manque pas un, comme sur la toile du maître Géricault ! Cauchemar ! Cauchemar !

- C’est bien c’que j’te bieurle depuis une plombe, Artus !

- Collant leur petit visage gris entre les planches ajourées de leur barlu, geignant des choses entre les trous ! Tout hébétés, disant leur prière et repliés vers cette lumière du fleuve, du ciel déchiré, hurlant si fort qu’ils crèvent leur voix au vent de la tempête ! C’est dingue ma Léa !

- Arrête de lisbroquer ta littératoche de p’tit pwète ! Y faut faire quelque chose ! On ne peut pas les laisser avec leur margule ouverte ! Ils vont dégommer, sinon !

Moi, Artus Grinbô, je savais qu’on ne pouvait rien faire, qu’on ne devait rien faire ! Je savais seulement qu’on avait tort de croire que, dans ce musée gigantesque du Louvre, les personnages des chefs-d’œuvre ne s'ennuyaient pas ! Ils avaient besoin de vacances, de respirer un autre air que celui conditionné des superbes galeries d'exposition. Il fallait qu’ils se tirent tous ces pégreleux et ces greluches avec leur hure de prunes sèches ! Et puis vlan ! Il fallait que le musée, il se vide ! Ça daubait depuis belle lurette ! Ce n’était plus fumable !

- Tu crois qu’on va leur donner à becqueter et de quoi se fringuer, Artus, à tous ces shnouffeurs de misère !? lui demanda Léa avec une sacrée tronche de dégoût !

- Mais non ! ma p’tite ! lui dit-il d’un air détaché, c’est une œuvre d’art et les œuvres d’art n’ont pas besoin de casser la graine ni de se friper comme toi et moi ! Ils doivent rester tels que l’a voulu l’artiste !

- Drôle de combine ! Ah ! Les artistes, j’te jure ! Se balader trois quarts à poil sur la Seine devant tous ces corgnolons d’touristes à crâner la cafetière dans la flotte ! Moi ça me fout les glandes, Artus, ça m’frissotte tout le long du pardingue ! »

C’est vrai ! Les badauds qui déambulaient le long des quais pouvaient admirer l'embarcation de fortune comme s'ils y étaient ! Certains étaient même impressionnés par le côté dramatique et réaliste, quasiment journalistique de l’œuvre ainsi mise à l'eau !

« Tu vois en fait, Léa, fit- il avec le plus grand sérieux, il s'agit d'une œuvre d'inspiration romantique, traitant de la vie et de la mort, de l'espoir et du désespoir, et de composition classique, les corps étant disposés de façon sculpturale. Cette œuvre est au cœur de tensions sociales, politiques et artistiques auxquelles Géricault participe en même temps qu'il les subit.

- Ben voyons ! Monsieur fait son guide du parfait excursionniste ! N’faut pas avoir de cœur pour être aussi indifférent ! Moi j’ai bien envie de les ramener tous dans la piaule à Vercoton et de leur torcher la frite à toute cette mouscaille !

- Même si tu le voulais, Léa, c’est impossible, ils sont là parce que c’est le destin qui les a conduits ici ! En rentrant, à ton baron de Gustave, tu pourras lui raconter ainsi que, comme tu descendais la Seine impassible, tu te sentis plus guidés par le courant des touristes que par l’onde noire du fleuve de la ville lumière. Des marins geignards attirèrent ton attention. Les ayant peints presque nus sur quelques poutres déjà vermoulues, assemblées en radeau, c’est Géricault, illustrant cet équipage en perdition, porteur de désespoir ou d’espoir resurgis du fond de l’âme. La mer les a arrachés à ce beau bâtiment, moderne, frégate de trois mâts de quarante-quatre canons qu’était la Méduse. Des clapotements déchaînés des marées, le fleuve de la ville Lumière les a ramenés ! Plus léger qu’un bouchon, ils ont chaloupé sur les flots rouleurs éternels de victimes !

- Arrête Grainbô, coupa Léa en le frappant maladroitement de son petit sac rouge plastifié ! Arrête de faire du rififi ! Moi, j’ai le palpitant en nougat ! Faut les aider ces braves gars qui sont dans le coltard aquatique et qui se traînent comme des bouseux gerbant ! Tu t’en tamponnes, toi de ces branquignols de musée !

- Non, je ne m’entamponne pas, mais bon, c’est une œuvre d’art ! On n’y peut rien ! …

-Ah ! Ça me fait bien rigoler, petit crotte-misère de pwète, une œuvre d’art ! Et encore quoi ! Si ça se trouve les rescapés ont becqueté de la chair humaine ! Regarde, l’artiste, il y en a encore des chouilles de viande sur les cordages qui fermentent !

-T’inquiète la Zizouille !j’te dis qu’c’est pas la réalité c’est de l’art !

- N’empêche que si je tenais ce foutu Théodore, je lui dirais deux mots et je lui ferais bouffer sa peinture à l’huile comme un chancre !... Moi j’me taille, fiston ! Y’en a ras la frange de ce tableau à voir passer les dragons !... Eh ! mais regarde ... Ils se barrent avec leur radeau !....

Eh ! Artus, tape un œil sur le rafiot !... C’est pas Eugène qu’est là au milieu de tous ces gars au point mort !?

- T’as raison, Léa ! C’est m’sieur Delacroix qui fait de la figuration ! ….. C’est la bourgeoise de Merdalor qu’en tirerait une tête en voyant tout cet abattit !... Je lui conterais la chose en décrivant ces glauques troupeaux sous l’horizon des mers tendus d’arcs-en-ciel nébuleux !

- … L'âcre amour m'a gonflée de torpeurs enivrantes ! Ah ! ah ! ah ! ah !

Et ajoute ceci : « Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer ! »…

- Pas mal, pas mal…. Mais regarde, Léa, ils virent de bord ! Espérons que les eaux parisiennes de la Seine seront plus clémentes que celles de l'Océan Atlantique des côtes mauritaniennes !

- Oui ! Ça sent la mise au vert !...

Moment émouvant et pathétique pour le "Radeau de la Méduse". Les naufragés en croisière sur la Seine arrivent à proximité de la cathédrale Notre-Dame. Les plus vaillants agitent bravement le drapeau de la ville de Paris embarqué pour la circonstance dans le cadre de l'opération "Les œuvres du Louvre partent en vacances". Les touristes qui se promèneront le long de la Seine entre le quai Conti et le quai de Grenelle pourront apercevoir ce radeau mythique. Au fur et à mesure que le radeau s’éloigne du quai, Artus et Léa se tiennent par la main et de l’autre saluent l’équipage !

ARTUS GRAINBÔ, le p'tit pwète crotte-misère (épisode 3)
ARTUS GRAINBÔ, le p'tit pwète crotte-misère (épisode 3)
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